J'ai beaucoup de plaisir aujourd'hui à partager avec vous le témoignage d'Amélie (prénom modifié), avec laquelle j'avais échangé il y a quelques mois via la page facebook de Zen & Organisée, puis que j'ai accueillie et accompagnée au cours de l'un de mes précédents ateliers "Mon temps et moi".
Au cours de cet atelier, elle avait osé s'exprimer sur son histoire, en racontant brièvement son burn-out.
Plus récemment, et ce sont ses propres mots que je reprends, elle a commencé à écrire cette histoire, son histoire.
Elle y décrit à la manière d'un journal de bord, et de façon très juste, les mécanismes du stress, de la fatigue. La détresse que l'on peut vivre dans une entreprise : l'obligation de résultat, de perfection, d'objectifs inatteignables, l'absence de reconnaissance.
Et surtout comment elle s'en est sortie, quelles ressources elle a utilisées, quelles pistes elle a explorées.
Puis elle a eu l'idée de partager son histoire pour que cela puisse aider les autres femmes et hommes qui vivent cette expérience. Je lui ai donc ouvert le blog et je la remercie profondément pour cette confiance.
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"Je viens de fêter mes 36 ans. Et plus que jamais, cet anniversaire a une saveur particulière. Il a le goût du renouveau, de l’envie, de la zénitude et d’une certaine forme de sagesse.
L’épreuve que j’ai traversée s’appelle le burn-out. Mais on pourrait l’appeler un ouragan ou un tsunami, parce que c’est comme une force de la nature qui se déchaine, qu’on ne voit pas arriver et qui peut tout dévaster.
C’est un état qui s’installe insidieusement, et qui nous grignote petit à petit.
Un stress qui monte crescendo, prend toute la place, jour et nuit, et qui conduit à une longue agonie dont on ne voit pas l’issue.
On parle souvent de burn-out chez les cadres, les chefs d’entreprises, ou les médecins urgentistes. Moi je ne suis rien de tout ça. Je suis juste « expert technique », je n’ai personne sous ma responsabilité. Mais ma vie de femme est très remplie, je suis mère de famille recomposée de 3 enfants… Ceci explique peut-être cela !
Dans un contexte économique difficile, le monde de l’entreprise peut être une vraie machine de guerre, un vrai bulldozer, et les dégâts collatéraux qu’il occasionne peuvent alors être considérables.
Ma boîte, comme beaucoup d’autres, est en difficulté. Il faut redresser la barre, travailler plus, plus vite, la pression de l’atteinte des objectifs est continue et pesante.
On me distribue des projets à mettre en œuvre à la pelle, avec des consignes peu précises et qui changent tous les jours.
Je prends cela pour une marque de confiance. Je m’investis et travaille sans relâche.
Les objectifs l’entreprise deviennent peu à peu mes objectifs personnels. Je n’ai plus de recul.
Le temps devient mon ennemi. Mais je ne dis rien, en fait, dire « non » ne me vient même pas à l’esprit.
Les dossiers s’amoncellent, ma boîte mail déborde.
Je m’isole, je ne prends plus de pause-déjeuner.
Tout est en mode accéléré, j’ai l’impression d’avoir le vertige à longueur de journée.
Un sentiment de honte s’empare de moi et ne me quitte plus. La honte de ne plus y arriver, de ne plus être à la hauteur, de ne plus savoir faire mon métier. Je n’ai plus confiance en moi.
A côté de cela, il y a ma vie de maman, les maladies infantiles auxquelles il faut faire face, les nuits saccadées, les devoirs, les repas, les activités, les disputes de cours de récré à régler, l’organisation de la garde avec l’ex-conjoint… Je culpabilise de ne pas arriver à tout gérer.
Quand j’arrive sur mon lieu de travail le matin, il me faut 10 minutes pour quitter ma voiture, je pleure avant d’arriver à mon bureau, je pleure le soir en rentrant chez moi.
Je ne dors presque plus, je rédige mentalement, mes mails, mes notes de services. J’aimerais tant poser mon cerveau sur la table de nuit pour enfin dormir paisiblement, sans ruminer.
Je me dis sans cesse qu’il faut tenir, que demain, ça ira mieux, que cette situation va se régler. L’instinct de survie, sûrement…
Je me mets à chercher des solutions mais pas n’importe lesquelles : je veux pouvoir les puiser en moi. J’ai trop peur des traitements chimiques.
Je me mets à la méditation, chaque soir je médite au moins 5 minutes. Cette pratique est une révélation, elle m’apprend à ramener mon corps et mon esprit au calme. J’arrive alors à mieux gérer mes angoisses, et parfois à prendre du recul.
La charge de travail est toujours très intense. Les réunions dans lesquelles je ne me sens plus à la hauteur, plus compétente, plus à ma place, se succèdent. J’en fais des crises d’angoisse, je suis en état de panique continuellement. Chaque minute passée à mon poste de travail est une lutte, une souffrance. Je pense alors au pire.
Heureusement, je m’accroche à l’idée que mes vacances annuelles ne sont pas loin. C’est ce qui m’aide à tenir. Je suis impatiente mais effrayée aussi : si je n’arrivais plus à déconnecter, si je n’arrivais pas à revenir après, si je craquais…
Dès mon arrivée sur mon lieu de vacances, je ne me sens pas bien.
Une immense fatigue s’abat sur mes épaules. J’ai de fortes migraines, des crampes. Et surtout, je constate rapidement que je ne parviens pas à couper avec mes dossiers en cours.
La première nuit, je ne parviens pas à dormir, je tourne et me retourne dans ce lit.
Je fais des exercices de respiration, mais je comprends vite que mon malaise est profond.
Le dimanche suivant, je pleure au petit déjeuner, puis à 10h, puis dans le pré, puis dans le jardin d’enfant, j’ai l’impression d’avoir un océan de tristesse à déverser.
Je décide de demander conseil au pharmacien du village qui me propose du millepertuis en comprimés. Pourquoi pas ?
Mais je me sens glisser encore, je sens le vide au fonds de moi et je déteste cette sensation.
La nuit suivante est identique à la précédente.
Je décide de me prendre en main, de me secouer et d’aller voir le médecin.
Il m’écoute patiemment. Je lui explique : une activité professionnelle accrue, le stress répété, les crises d’angoisse et de larmes de ces derniers mois.
Il me pose quelques questions. Puis il me dit d’un ton très assuré: «Vous voulez savoir ce qu’il vous arrive? C’est tout simple : vous souffrez d’un épuisement professionnel».
Il m’explique le processus, pourquoi j’en suis arrivée là: la fatigue, la vie trop intense et stressante, le travail, les enfants, et l’oubli d’être soi, de vivre aussi pour soi, sans soupape de décompression… et surtout le contraste énorme avec ce lieu de vacances, calme, en pleine nature. Arrivée à un tel niveau de fatigue, on craque, la chute est lourde et il faut alors remonter la pente.
Je crois que j’ai rampé et pleuré pendant une semaine, avant d’aller un peu mieux.
Puis j’ai décidé de me sauver, de donner un prix à ma vie.
J’ai suivi les consignes données dans les avions, en cas de dépressurisation : il faut mettre son masque à oxygène avant de secourir les autres. C’est finalement se mettre en sûreté avant de pouvoir sauver les autres.
Aujourd’hui je peux dire que je m’en suis sortie. Mais je ne serais probablement plus jamais la même. J’avance pas à pas, et j’essaie de toujours résonner au présent.
J’ai appris que la sérénité se cultive et s’entretient au jour le jour… Et les petits bonheurs simples sont les biens les plus précieux que l’on peut avoir dans sa vie.
Avec mes loulous, on a fait un cahier des petits soleils, où l’on note un moment de bonheur, vécu seul, ou en famille que l’on a envie de garder en mémoire. On l'écrit pour ne pas l'oublier, et pour pouvoir le relire et se rappeler des belles émotions qu'on a ressenties."
Amélie
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