
Bonjour,
J'ai mis au monde sept enfants (les derniers sont des jumeaux dont un est handicapé IMC) et élevé neuf enfants, car mon mari avait deux enfants d'un premier mariage. Il a fallu, malgré ce que beaucoup de gens pensent, continuer à travailler car les allocations familales ne suffisent pas pour apporter le nécessaire à une famille aussi nombreuse.
J'étais prise dans un engrenage et ne me rendais pas compte du temps qui passe, un enfant poussé par un autre plus petit, des journées commencées à 6h du matin, terminées vers 2h du matin, pour tout assumer : le trajet-travail, le bureau, l'entretien de la maison, du linge, la préparation des repas, les courses, les rendez-vous médicaux, faire le taxi pour les occupations diverses de chacun des enfants, les devoirs pour les plus petits, et petit à petit, la confiance dans les grands pensant qu'ils n'avaient plus besoin d'aide...
Et voilà l'erreur... Je croyais bien faire, je croyais être au top parce que ma maison était propre, le linge aussi. Mes enfants n'étaient pas richement habillés mais propres ! Je faisais en sorte d'accomplir également mon travail consciencieusement car souvent, les dossiers que je traitais était aussi des dossiers pour des personnes en difficulté, étant agent de l'Etat travaillant à la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales. De plus, la distance trajet-domicile approchait les 40 kms aller !
Et puis, il a fallu déménager, mon mari ayant perdu son emploi, repartir dans une autre région, et puis trois ans après, repartir à nouveau, car mon mari avait retrouvé un emploi dans notre région d'origine, mais pas dans le même département, et reprendre contact avec de nouvelles têtes, reprendre un nouveau poste, inscrire les enfants dans de nouveaux lycées, collèges, écoles primaires, maternelles...
Six ans plus tard, mon enfant handicapé a du subir des opérations, j'ai dû m'absenter souvent, n'ayant plus assez de jours pour enfants malades, ni de jours de congés, ni de bonnes grâces du médecin de famille. J'ai dû me rendre à l'évidence, je devais arrêter de travailler. J'avais droit à ma retraite... Je l'ai prise... J'ai donc été une jeune retraitée de 48 ans... Une carrière de fonctionnaire fainéante bien sûr, qui n'avait rien à faire de sa journée, comme l'on est perçu la plupart du temps par les gens de l'extérieur.
Je n'avais donc plus qu'à m'occuper de mes sept enfants qui étaient encore à la maison, du lycée à la primaire. Et j'ai commencé à tourner comme une boule dans cette maison, il fallait à tout prix que tout soit super bien fait, je culpabilisais d'être inutile, car une mère au foyer, "ça ne fout rien" ! Mes grands sont partis petit à petit, je reste aujourd'hui avec les jumeaux, 22 ans cette année, une fille qui ne trouve pas de travail, et son frère handicapé en fauteuil dont je m'occupe.
J'ai énormément de soucis pour mes autres enfants qui ont du mal à trouver leur place dans la société, et je crains que cela ne soit de ma faute. Si j'avais passé en second plan ce complexe d'être la meilleure des mamans, et surtout, de ne pas m'occuper du regard des autres, et si je m'étais beaucoup plus investie pour jouer avec mes enfants, prendre du bon temps avec eux, et prendre aussi du temps pour moi (j'aime la peinture artistique par exemple), nous aurions pu monter un atelier peinture, plutôt que de poursuivre une quête sans fin : une maison irréprochable...
Aujourd'hui, ma fille n° 5, qui a une petite fille de juste 2 ans, est malade d'angoisse, stressée, maniaque pour sa maison et sa famille. Elle a fait le choix de rester à la maison pour s'occuper de sa fille mais elle culpabilise d'avoir fait ce choix, face à la pression des autres, après tout, c'est étrange, une jeune femme qui ne travaille pas pour un patron ! Bref, j'en suis aujourd'hui à la supplier de ne pas faire comme moi, car le temps passe si vite , surtout quand on l'emploie mal.
Et quand on arrive à l'heure du bilan, ce n'est plus des angoisses que l'on a, c'est le néant qui nous envahi, car on ne peut plus rien faire, il est trop tard... Alors il faut lâcher du lest, il faut d'abord vivre les bons moments avec son compagnon, ses enfants, profiter de leurs mots d'enfants, de leur progrès, les aider dans leur construction, partager des moments de détente, de plaisir, s'amuser, rire, danser, chanter...sans honte, et sans se préoccuper des médisances. Un petit peu tous les jours et on peut tous ensemble s'occuper des tâches ménagères, ou 1 ou 2 journées par semaine... Ce n'est pas grave, on s'en fout !
La priorité est au plaisir de partager le temps que l'on a à vivre ensemble et de se construire chacun et ensemble harmonieusement.
Marie
J'ai élevé neuf enfants ... (8 mars 23h 15)
Je viens de vous adresser un message résumant ma vie de maman de famille nombreuse de neuf enfants, dans lequel je vous fais part de mes regrets de ne pas avoir passé assez de temps avec mes enfants, à les aider à grandir, plutôt que d'entreprendre une quête improbable d'une maison irréprochable, d'être parfaite à la maison et dans le monde du travail...
J'ai oublié de vous dire que je vais avoir 60 ans à la fin de l'année et que j'ai toujours des noeuds dans l'estomac, mais cette fois-ci à cause de mes regrets justement, et de tout ce que j'ai raté...
Alors, toutes les jeunes et moins jeunes mamans, vous ne pouvez pas être des Superwomen, vous êtes chacune un être humain avec des qualités et des défauts, mais les qualités, ne les cherchez pas dans la performance d'une femme de ménage ultra qualifiée, ni d'une infirmière hors-pair, ni d'une professeure d'université, ni d'une péripatétitienne expérimentée,...
Soyez vous-même avec vos rires, vos larmes, vos découragements, vos désirs, vos préférences, vos émotions, y compris avec vos enfants, c'est comme cela qu'ils apprendront à devenir grands et humains.
On n'est pas des machines...
Marie
Ma réponse du 9 mars 1h du matin (je suis parfois sujette aux insomnies !)
Votre témoignage est tellement intéressant, avec ce recul que vous apportez, qu’il pourrait être profitable à bien d’autres mamans et je ne résiste pas à l’envie de vous demander si vous accepteriez que je le partage sur le blog, anonymement bien sûr. Je comprendrai aussi tout à fait que vous refusiez, à votre convenance. C’est comme vous le sentez...
En tous les cas, merci mille fois pour ce temps que vous avez pris. Je suis sûre pour ma part que vous avez été et que vous êtes une maman (et une mamie maintenant aussi) formidable et que vos enfants ont bien de la chance de vous avoir !
Bien à vous,
Diane