Face au ressenti d'accélération du temps qui s'exprime ici et là, nous voici de plus en plus nombreux à vouloir ralentir.
La tentation de lever le pied et de renouer avec un rythme plus naturel et moins contraint nous tend les bras. Parfois très subtilement, tel un souffle que nous pouvons facilement ignorer pour continuer notre course. Et parfois de façon plus radicale et soudaine.
En atteste le nombre croissant d'épuisements qui touchent aussi bien les hommes que les femmes. Car oui, la vitesse épuise. Mais en avons-nous vraiment conscience ?
Et quand enfin nous parvenons, non sans mal, à en prendre conscience, nous voici confronté(e)s à un autre problème : celui de ne pas savoir, finalement, comment s'y prendre pour ralentir la cadence.
30 ans, 40 ans, voire plus à fonctionner sur le mode urgences, ça laisse des traces et ça crée des habitudes ! Habitudes alimentées et renforcées au fil du temps par notre éducation et nos croyances. Vous savez, ces mêmes croyances qui vous empêchent par exemple de vous poser, de ne rien faire (sacrilège !) et de mieux apprécier le temps présent, ou encore celles qui vous font culpabiliser à tout bout de champs dès que vous envisagez d'opposer une saine résistance à votre activisme.
Chaque jour, je rencontre et j'accompagne des personnes qui s'inscrivent, parfois timidement, parfois plus franchement, dans cette démarche de réappropriation d'un espace. Un espace pour respirer. Un espace pour souffler. Un espace pour se sentir vivre.
L'envie de ralentir est là mais parfois, la mise en application est difficile : "Comment faire ? Par quoi commencer ? De toute façon, je n'y arriverai jamais !" Puis progressivement, avec du temps (tiens, encore celui-là !), la magie opère et on se rend compte mine de rien que notre relation au temps a changé, et avec lui, notre ressenti.
Nous devenons plus présents. A soi. Au monde. Et plus vivants.
Comment ralentir la cadence ?
Voici 3 pistes, parmi d'autres, que je propose à mes stagiaires pour ralentir (et vivre mieux) :
1) Observer son propre tempo
Avez-vous remarqué combien parfois nous nous emballons et accélérons le pas pour aller plus vite, sans même parfois nous en rendre compte ? Ne vous est-il jamais arrivé de vous surprendre à courir alors même que rien ne l'exige ? Vous savez, ces petits moments où on se dit : "Mais pourquoi je marche si vite, au fait ? Je ne suis pas en retard, je serais même plutôt en avance, cool !".
Cette accélération du temps dont il est souvent question ne provient pas uniquement "des autres". Nous sommes nous aussi à l'origine de cette perception d'accélération de notre rythme. Nous marchons vite, nous conduisons vite, nous parlons vite, nous faisons en sorte que tout puisse se faire le plus vite possible.
Or, tout n'a pas besoin de se faire dans la rapidité. Et même, certains actes nécessitent d'être effectués dans une certaine forme de lenteur. Un risotto, par exemple, ne se cuisine pas "vite", sauf si vous êtes prêt(e) à "négocier" sur le goût (il suffit de comparer un risotto maison et un "risotto minute", mot composé antinomique par excellence !).
Pourtant, dans certains cas, il suffit tout simplement de ralentir un tout petit peu le rythme pour ne plus avoir en permanence cette sensation de courir, pour sentir plus de fluidité et de douceur dans l'enchaînement de ses activités et surtout pour mettre plus d'oxygène dans son quotidien.
Comme des petites soupapes qui permettent de se poser, de reprendre son souffle puis de repartir.
Se lever 10 minutes plus tôt pour moins se presser le matin avant de partir, quitter son travail 5 minutes plus tôt pour marcher au lieu de courir pour aller chercher son enfant à l'école, manger un peu moins vite en prenant le temps de savourer son repas, boire en conscience, s'arrêter 2 minutes pour respirer calmement et clarifier son esprit avant de repartir plus serein(e), il suffit de pas grand chose pour faire une différence réelle dans notre ressenti d'accélération et d'urgence.
Prendre conscience de son tempo
Prendre conscience de son propre tempo, sans jugement, au fil de sa journée, permet déjà de prendre de la distance vis-à-vis des diktats de la vitesse.
Pour y parvenir, il vous suffit tout simplement, à partir de ce lundi qui vient, d'être attentif(ve) tout au long de cette semaine à votre tempo. Quoi que vous fassiez, au travail, à la maison, dans vos déplacements, en conduisant, en cuisinant, quand vous vous occupez de vos enfants, quand vous vous levez le matin, quand vous vous couchez, efforcez-vous de prendre conscience du rythme avec lequel vous accomplissez vos gestes. Il n'est même pas (encore) question de les ralentir. Observez.
Prenez simplement conscience, tout au long de cette semaine, du tempo avec lequel vous accomplissez chacun des gestes, chacune des actions de votre quotidien. Allez-vous vite pour tel geste, moins vite pour tel autre ?
Prenez conscience, notez intérieurement, ne vous jugez pas et poursuivez naturellement votre route.
2) S'octroyer chaque jour 5 minutes de silence
Notre esprit sature, d'informations (cette fameuse infobésité), de choses à faire et à ne pas oublier, et nous ne savons plus comment appuyer sur le bouton Off et nous mettre sur pause.
Radio, TV, parfois les deux en même temps, Internet, musique, bruits extérieurs, cris dans la maison, le bruit est partout, les nuisances sonores polluent notre mental et sapent notre capacité d'attention. Ils sont d'ailleurs un facteur de stress très important, qui impacte négativement notre qualité de vie.
Ce zapping incessant ne nous aide pas à rester centré(e) et nous détourne de nos priorités et de nos besoins.
Voici un exercice à portée de chacun qui vous permettra d'expérimenter le silence chaque jour et de reposer votre mental. Simplement.
Je vous invite donc, à travers cet exercice, à vous offrir chaque jour 5 minutes de pur silence. Ni plus, ni moins. Sans aucun autre objectif que celui d'offrir 5 minutes de répit à votre mental.
Eteignez la télé, éteignez la radio, désactivez les notifications sonores de vos outils digitaux, mettez votre portable en silencieux (et non pas en mode vibreur). S'il ne vous est pas possible de vous isoler chez vous (pour cause d' "enfants bruyants" par exemple !), essayez de le faire à votre bureau, sur la pause déjeuner par exemple, en veillant à transférer votre ligne pendant la durée de l'exercice et à fermer votre porte.
Regardez votre montre, programmez 5 minutes sur votre smartphone si vous le souhaitez et ne faites plus rien pendant 5 minutes. Ne cherchez pas à atteindre quoi que ce soit mais simplement à apprécier, si possible, cet instant de silence.
Et laissez faire.
3) Repérer (et respecter) ses "temps incompressibles"
La vie n'est pas faite que de moments que l'on peut condenser, pressuriser, accélérer, bâcler, survoler.
La vie, dans certains cas, a besoin de temps, comme je vous le disais dans un précédent billet, 4 bonnes raisons de prendre son temps.
Et certains temps, n'en déplaise aux plus pressés, sont incompressibles.
A ce propos, Delphine Ernotte-Cunci, Directrice Executive d'Orange France se confiait dans une interview au magazine CLES : "Il s’agit moins de ralentir que de prendre le temps d’imaginer de nouvelles façons de travailler. En vieillissant, j’apprends qu’il y a des temps incompressibles, en particulier dans les relations humaines. Communiquer, c’est compliqué. Pour bien se comprendre, il faut du temps. Considérés par certains comme inutiles, le débat, la concertation, l’interrogation collective sont en fait incontournables".
Le temps des relations humaines est en effet incompressible. Le temps de l'apprentissage également.
Quels sont vos "temps incompressibles" à vous, ceux sur lesquels vous ne souhaitez pas, ou plus, négocier, rogner, amputer, parce qu'ils sont importants pour vous, qu'ils font sens pour vous et qu'ils méritent toute votre attention et votre temps ?
"Pour trouver les plus beaux coquillages, il faut marcher lentement. Ralentissez." (Dominique Glocheux, Le bonheur au travail)
En conclusion, il me semble, à travers ma propre expérience et celle des personnes que j'accompagne sur ce précieux chemin, qu'on ne peut véritablement s'inscrire dans une démarche de ralentissement de son rythme que lorsque nous sommes prêts, vraiment, dans ses tripes et dans son âme, à changer, à nous ouvrir à autre chose, à "oser" vivre autrement.
Et à se réconcilier enfin avec un temps qui ne ressemble qu'à soi.
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