Lundi 16 novembre. 8h 45. Je suis au café, comme d'habitude, pour démarrer ma semaine. Au programme aujourd'hui, préparer l'atelier d'1h 30 sur l'équilibre vie pro / vie perso que j'animerai demain après-midi à l'occasion des 20 ans du Club des Créatrices de l'Hérault et mon intervention d'1h en direct demain soir à RCF Hérault pour une émission sur le burn-out.
Oui mais...
Ce lundi n'est pas un lundi tout à fait comme les autres. Maux de ventre au réveil, sentiment de gueule de bois (au sens propre, comme si j'avais vraiment bu la veille... ), nausées... Je suis au café et je n'arrive pas à centrer mon attention sur mes priorités du jour. Le coeur n'y est pas. Le cerveau non plus.
Bien sûr, la vie reprend son cours, les enfants sont retournés à l'école, mon mari au travail et je le sais, ma semaine est très, très chargée. Mais comment faire comme si de rien n'était. Comme si rien ne s'était passé...
J'avais décidé de ne pas écrire sur les événements de ce week-end, craignant d'être déplacée, de ne pas trouver les mots justes. Mais je suis incapable ce matin de faire et de penser à autre chose. Puis je me suis dit que parmi les personnes qui me lisent ou avec lesquelles j'échange via les réseaux sociaux, nous partagions probablement le même sentiment de déconnexion en ce lundi matin... Alors, j'écris, pour exorciser ma peine, ma peur aussi.
Je suis au café et je ne peux me détacher de mon fil d'actualité où inlassablement, je revois les visages de ceux qui sont partis vendredi et samedi. Ces 129 personnes qui comme moi ont terminé leur semaine en prenant du bon temps avec leurs amis ou leur famille mais qui ne reprendront pas leurs activités en ce lundi matin. Autant de vies qui se sont définitivement arrêtées ce week-end.
Je ne peux m'empêcher de penser à leurs proches dont la vie ne sera plus jamais comme avant et qui eux non plus ne pourront pas reprendre leurs activités "comme si rien ne s'était passé".
Ce sentiment, d'être dévasté alors que la vie autour de soi reprend son cours, je l'ai malheureusement connu à plusieurs reprises mais il n'a jamais été aussi vif que quand mon frère, de 5 ans mon aîné, est parti à l'âge de 30 ans en septembre 1999. Je me souviens comme si c'était hier du sentiment de colère qui m'étreignait à voir les gens vivre normalement autour de moi, dans les rues, dans les restaurants, dans les cafés, alors même que je venais de perdre mon frère... Ils n'y étaient pour rien, je le savais, mais j'avais envie de hurler de rage.
Ce vendredi soir, j'étais avec mon mari au restaurant. Nous fêtions nos 22 ans de couple, sans les enfants. Nous sommes rentrés tôt, suffisamment tôt pour voir la fin du match, puis l'horreur, qui nous a fait veiller une partie de la nuit.
Depuis 22 ans, le 13 novembre était "notre date" à nous, que nous célèbrions chaque année (ou presque). En souvenir d'un premier baiser donné rue de la Roquette à Paris, dans le 11ème précisément. Notre quartier dans lequel nous avons vécu près de 10 ans avant de venir nous installer sur Montpellier en 2001.
Aujourd'hui, cette date ne sera plus seulement notre date mais celle d'un triste jour que personne ne pourra oublier.
Le XIème était donc notre quartier, j'ai travaillé rue de la Roquette, j'ai passé de nombreuses soirées rue de Lappe, mon QJ était "L'Anvers du décor", à l'angle de ces deux rues (je ne sais pas si ce café existe toujours), je connaissais tous les cafés, les bars et restaurants, j'ai suivi une partie de mes études là-bas aussi, j'y ai rencontré mon mari, j'ai vécu de nombreux évènements citoyens ou festifs Place de la Bastille, mes deux aînés sont nés dans le XIème, déclarés dans cette même mairie.
Nous avons aussi vécu de près les attentats de 1995 et 1996, et la peur. Saint-Michel que j'empruntais tous les jours pour aller à la Sorbonne Boulevard Saint-Michel, puis Boulevard Richard-Lenoir près de Bastille et à la station Port-Royal (le station qu'empruntait mon mari pour aller travailler, juste en face, à la Closerie des Lilas). Je me souviens d'avoir été prise de panique à 3 reprises et d'être descendue d'une rame de métro, imaginant, à tort, une bombe dans un sac à dos...
De ma vie parisienne, j'ai gardé un mode de vie, celui de m'installer aux terrasses de café pour discuter, refaire le monde ou écrire, ou au bar d'une brasserie pour déguster mon café avant d'aller travailler. Quand je retourne sur Paris pour mes déplacements professionnels, je réserve toujours ma chambre d'hôtel dans le XIème, je retourne dans les mêmes brasseries, à Bastille ou rue de Charonne, j'anime même mes formations en présentiel là-bas, j'y retrouve mes repères, je suis de nouveau chez moi.
La vie va reprendre son cours et c'est la meilleure chose que nous ayons à faire mais en ce lundi matin pas tout à fait comme les autres, mon coeur et mon âme vont à ceux dont la vie s'est arrêtée ce week-end.
Ce matin, maintenant que mes enfants sont à l'école, je m'autorise à me sentir fragile, vacillante, angoissée pour mes enfants, pour les menaces à venir. Mon corps, lui, ne feint pas : depuis ce matin, j'ai froid, je tremble, sans raison. Je retrouverai mon centre demain.
Pardonnez-moi ce billet imparfait et un peu plus personnel que d'habitude mais j'avais besoin de me sentir reliée. A vous. A eux.
Prenez bien soin de vous et aimez-vous. Profitez de chaque instant et vivez chaque jour comme si c'était le dernier.
Diane
"En faisant scintiller notre lumière,
nous offrons aux autres la possibilité d'en faire autant"
(Nelson Mandela)